1er octobre 1961 :

Témoignage du Père Léon MARCEL à l’occasion du 50ème anniversaire :
INTERVIEW DU PERE LEON MARCEL
Que s’est-il passé le 1er octobre 1961 ?
Le 1er octobre 1961, pour la première fois, nous sommes arrivés au Togo en communauté missionnaire.
En arrivant au village un samedi soir, veille de la fête du Christ-Roi, nous sommes entrés dans l’église pour dire « oui » à Jésus et recevoir de lui la force de fonder le premier Foyer d’Afrique. Les enfants ont vu quatre blancs entrer dans l’église, ils ont couru chez le catéchiste maître Martin et chez le père curé pour les avertir que ceux qu’on attendait étaient là. Grâce au « téléphone de brousse », une dizaine d’hommes jeunes sont arrivés avec un groupe de chrétiens voisins. Après un moment de prière, je suis sorti le premier de l’église pour aller saluer le Père de la mission. J’ai eu à peine le temps de mettre un pied à terre, que je me suis trouvé soulevé sur les épaules de plusieurs hommes. Léon qui m’accompagnait riait. Edith s’approchant pour sortir eut tellement peur d’être enlevée à son tour qu’elle est restée dans l’église avec Monique. Nous nous sommes enfin retrouvés à la paroisse d’Aledjo. C’est de là que nous sommes partis pour faire face avec Marie Notre Mère, aux difficultés et aux merveilles qui nous attendaient.
Pourquoi avoir choisi Aledjo ?
Quand j’ai été envoyé en Afrique occidentale pour chercher un endroit où fonder le Foyer, plusieurs évêques étaient au courant du projet de fondation à cause de Mgr Gantin qui en avait parlé avec les évêques présents au pèlerinage de Dassah-Zoumé en 1960. J’ai visité tous les évêques qui désiraient à cette époque un Foyer, au Dahomey, au Niger. J’ai dû passer aussi en Haute-Volta, au Togo où un Vicaire Général me proposait de fonder le Foyer à Dzogbégan. Beaucoup de raisons m’ont empêché de donner suite à ces espérances.
En rentrant un peu abattu au grand séminaire de Ouidah où j’étais accueilli, je me suis arrêté chez le Père Bothua, supérieur des Missions Africaines qui m’avait invité. Il a eu la bonté d’écouter mon récit attristé des épreuves que j’avais traversées sans trouver de solution réalisable. Le repas s’est terminé par cette suggestion : « Pourquoi ne feriez-vous pas une fondation à Aledjo ? » Ce nom n’existait pour moi que sur une carte Michelin ; Le Père Bothua m’en disait beaucoup de bien. J’ai décidé d’aller voir, en passant d’abord à Sokodé où il y avait un évêque. C’était en 1960. Je suis encore à Aledjo plus de 50 ans après. le Foyer est béni du Seigneur.
Qui vous a envoyé ?
J’ai été envoyé en Afrique par les fondateurs du premier Foyer de Charité de l’Eglise, le bon Père Finet et Marthe Robin. La Providence me les a fait découvrir en 1944, le lundi de Pentecôte. Le Père Finet m’a ébloui. Il répondait avec précision et amour à toutes mes questions sur la sainte Vierge et sur l’apostolat. Ancien militaire, il m’avait offert une cigarette. J’étais tellement séduit par la richesse de son esprit, de son cœur et de son union à Dieu que j’ai laissé éteindre deux fois ma cigarette et que j’ai fini par la déposer dans le cendrier.
Quand j’ai rencontré Marthe que je ne connaissais pas, sachant seulement qu’elle était paralysée, incapable de boire et de manger, qu’on disait qu’elle avait reçu les stigmates, qu’elle recevait beaucoup de monde, je suis rentré à mon tour dans sa chambre assez obscure à cause d’une grave maladie de ses yeux. Je n’avais rien à lui dire. Je ne pouvais pas lui dire que je venais la voir par devoir d’état pour me renseigner avant de répondre à une personne pieuse qui m’avait demandé s’il était permis d’aller voir une « voyante », mais qui était sainte. Alors, j’ai dit à Marthe : « Bonjour mademoiselle ! » Elle a senti que j’étais gêné. Nous avons parlé. J’ai écouté. Je suis sorti en sachant que c’était une sainte. Aujourd’hui, son procès de canonisation est à Rome.
Vous avez été envoyé pour faire quoi ?
En partant seul de Châteauneuf en 1960, ma mission était simple : revenir d’Afrique en février 1961 à Châteauneuf avec un terrain pour y bâtir le Foyer et une maison pour y loger une petite communauté.
Le Père Finet ne pouvait me donner de l’argent. Il avait fallu agrandir le Foyer de Châteauneuf, il était alors couvert de dettes. Il me dit une parole d’or : « Si le bon Dieu vous veut en Afrique, il vous donnera tout ce qu’il faut. »
Je n’avais l’adresse d’aucun évêque. Marthe m’avait dit : « Le Seigneur vous conduira. » C’était se fier à la meilleure adresse mais encore inconnue… Ma foi s’appuyait sur leur prière, tout simplement, mais aussi sur plusieurs expériences vécues dans la présence active de la Providence. Rien ne semblait impossible à Dieu si j’obéissais à Marthe et au Père Finet.
Arrivé à Aledjo, j’ai été envahi d’une paix profonde inexplicable d’abord sur la route où je m’étais arrêté pour un peu de prière, puis à l’église d’Aledjo où j’étais entré. De là, je suis allé fêter mes premiers pas à Aledjo à la mission. Avec le Père Masson, nous avons fait un « banquet de fête intérieure » avec une petite boîte de sardines et une poignée de macaronis. Puis, nous sommes allés chez le chef du village. Après les salutations, je lui ai demandé si le village pouvait mettre à ma disposition un terrain assez important pour créer une maison de prière. Je lui avais raconté, grâce à un interprète de classe de 6ème élevé chez les petits clercs, que j’avais visité les pays voisins où on espérait que je m’installe. Il m’a répondu avec autorité : « Je te défends de chercher ailleurs. Tu t’installeras à Aledjo ». (Traduction de l’élève).
Le chef a réuni les chefs de quartiers et les anciens musulmans et chrétiens sous un gros manguier près de la route. La décision a été « Tu choisiras le terrain. Nous te le donnerons sans payer. » Puis, j’ai reçu du gouvernement du Togo l’autorisation d’occuper pendant un an une ancienne maison coloniale délabrée. Je pouvais commencer les réparations de la vieille maison et remercier Dieu.
Le premier travail a été de monter une chapelle en tôle, premier pas pour l’accueil des vocations et des retraitants autour du saint-Sacrement.
La mission d’évangélisation par la prédication des retraites devenait alors une réalité. Depuis 50 ans, le Foyer, « Grande Œuvre du Cœur de Jésus », n’a cessé de nourrir les âmes et de leur apporter la lumière. L’enseignement donné « dans un silence d’amour » retrace toute l’histoire du salut. C’est le travail essentiel des Foyers.
D’autres œuvres telles que la formation des jeunes filles, l’accueil des pauvres et les soins aux malades ont contribuées aussi à donner au Foyer un grand rayonnement.
Quand avez-vous commencé les premières retraites, le dispensaire ?
Là, je vais laisser la parole à Edith à travers quelques extraits de lettres qu’elle écrivait à sa famille les premières années. Elle y parle surtout des débuts du dispensaire et aussi des premières retraites :
3 décembre 1961 : « Depuis une semaine, nous avons environ 60 malades le matin, et quelquefois une vingtaine l’après-midi. Nous avons dû garder quelques cas sur un lit de camp… »
20 septembre 1962 : « Nous sommes submergées de travail : jusqu’à 200 malades par jour, y compris accouchements et accidents, et quatre retraites où j’ai accompagné le Père pour faire chanter les retraitants, encadrer les groupements et noter au tableau noir le résumé des quatre conférences de chaque jour. »
Le Foyer… demain …
Le Foyer s’est créé peu à peu à travers mille difficultés. Un exemple : à cause des projets du gouvernement, il nous a fallu quitter le terrain qui était à la sortie du village pour un autre terrain proche de la maison coloniale. Cela nous a permis d’accueillir les retraitants dans un cadre merveilleux de rochers, de terrasses, d’arbres de toutes sortes. Nous avons fini par découvrir profondément que, pour ceux qui aiment Dieu, tout sert à leur bien. Notre Mère du Ciel en est persuadée. Elle nous l’apprend et l’apprend aux retraitants dans sa maison de prière devenue en Jésus par l’Esprit Saint, école d’amour de notre Père et de ses enfants.
Et demain ? Chaque jour devenir en Eglise Foyer de Lumière, de Charité et d’Amour. Aimer le village qui nous a accueilli.
Enfin pouvez-vous nous résumer en quelques mots ce qu’est un Foyer de charité ?
Voici un texte très riche reçu de nos fondateurs :
Les Foyers de Charité sont des communautés de baptisés, hommes et femmes, qui, à l’exemple des premiers chrétiens, mettent en commun leurs biens matériels, intellectuels et spirituels, vivent dans le même Esprit leur engagement pour réaliser, avec Marie comme Mère, la Famille de Dieu sur la terre, sous la conduite d’un prêtre, le Père, dans un incessant effort de charité entre eux et portent, par leur vie de prière et de travail dans le monde, un témoignage de Lumière, de Charité et d’Amour selon le grand message du Christ, Roi, Prophète et Prêtre.
Avec vous dans la joie et la paix de l’action de grâces.
Père Léon MARCEL († le 21 août 2014)